Depuis avril, un groupe de travail exceptionnel composé de parlementaires, de représentants d’entreprises, d’assureurs et de courtiers, se réunit au Ministère de l’économie pour élaborer la future assurance pandémie. Puisque l’état de catastrophe naturelle n’a pas été qualifié, que les assurances ne pouvaient pas éponger les colossales pertes d’exploitation des entreprises (autour de 50 milliards), il fallait bien trouver une solution à une situation qu’on espère exceptionnelle. L’assurance pandémie est donc cette réponse mais peine à voir le jour étant donné son ambition. Sous quels traits se dessine-t-elle ? quels sont les points de tensions ? Ce sont ces éléments que nous allons clarifier avant sa première présentation courant juin.

Contourner le risque systémique

Quand les entreprises réclamaient l’indemnisation de leur perte d’exploitation au titre de l’article L125-1 du Code des assurances (la catastrophe naturelle et ses effets), les assureurs répondaient qu’il était impossible de qualifier la crise sanitaire du Coronavirus de catastrophe naturelle, non seulement sur le fondement économique mais également au nom du principe même de l’assurance qui repose sur la mutualisation des risques afin qu’ils se compensent entre eux. En d’autres termes, pour que l’assurance existe, les assurés comme les assureurs ne peuvent pas être tous touchés en même temps.

Pour se sortir de cette équation complexe, le groupe de travail a dû définir un cadre assurantiel permettant aux acteurs économiques de faire face à une baisse de leur chiffre d’affaires mais en l’envisageant sur du long terme. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’une telle assurance ne pourrait se déclencher, à la même échelle que celle que nous avons connue, que dans un avenir lointain. Et c’est probablement là que pourrait se trouver la réponse au risque systémique. En effet, le capital accumulé de cette assurance pandémie pourrait s’élever à 15 milliards dans 10 ans et à 153 milliards dans une centaine d’années. Si une nouvelle crise sanitaire se produit dans les 10 ans, les pertes d’exploitation ne pourraient probablement pas être entièrement indemnisées mais si elle n’arrivait que dans 100 ans (la dernière pandémie de grippe espagnole était bien il y a 100 ans), la réserve accumulée le permettrait.

Une couverture élargie aux « risques exceptionnels » ?

Le groupe de travail élaborant l’assurance pandémie a pour ambition de couvrir la pandémie mais pas seulement. Le gouvernement préfère parler de « risques exceptionnels » englobant différents types de menaces comme la catastrophe naturelle, l’action terroriste, les dégâts liés à des mouvements sociaux etc… Et sur ce point, la réponse se complique : il est évidemment à souhaiter que cette nouvelle assurance soit la plus large possible mais il faut en même temps pouvoir circonscrire et modéliser les risques qu’elle couvrira. 

Certains ont ainsi pensé à conditionner le déclenchement de l’assurance pandémie à la fermeture administrative d’entreprises, décrétée par l’État, ce qui simplifierait le mécanisme.

Une assurance pour tous ?

Assurance obligatoire ou optionnelle, le groupe de travail a tranché : pour que l’assurance pandémie soit véritablement efficace, il faut qu’elle soit obligatoire comme celle de risques de catastrophes naturelles. Elle serait déclenchée que cela soit explicitement inscrit dans le contrat ou non et serait intégrée à toutes les nouvelles polices, souscrites après l’entrée en vigueur du texte.

Si les TPE et PME focalisent la plus grande partie de l’attention, les grandes entreprises ne sont donc pas en reste et auront un rôle important à jouer notamment dans la mutualisation des risques. 

Il faudra pourtant que ce régime soit une couverture additionnelle car la nouvelle assurance pandémie ne pourra pas prendre en charge à 100% les pertes d’exploitation de toutes les entreprises touchées. L’idée serait peut-être d’opter pour un système forfaitaire, permettant de couvrir les entreprises pénalisées à hauteur d’un certain pourcentage de leur marge ou d’ajuster l’indemnisation en fonction de leur type d’activité

A quel prix ?

Le casse-tête se joue encore évidemment là : plus les indemnisations sont conséquentes, plus les risques couverts sont nombreux et fréquents, plus l’équation financière est difficile à résoudre. Car, pour que l’assurance pandémie marche, il faut aussi que son coût soit supportable pour les entreprises.

Les plus grosses entreprises militent pour un système d’auto-assurance et pour une offre d’assurance privée plus étendue. Mais concrètement, il s’agit de déterminer quelles primes d’assurance pourraient servir d’assiette de cotisation. Plusieurs solutions ont été proposées, comme celle de la prime incendie comprise dans les contrats multirisques.

Quel rôle jouerait l’État ?

Les assureurs espéraient compter sur l’action du réassureur public, CCR, qui permet, avec les cotisations des contrats d’assurance dommages, d’indemniser les événements climatiques d’ampleur (dans le cas de la catastrophe naturelle). Le Ministère de l’économie a répondu négativement à cette proposition, invoquant le fait que le réchauffement climatique crée déjà suffisamment de catastrophes naturelles à lui seul.

Les entreprises et les courtiers ont évoqué le recours au système du Gareat (Gestion de l’Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme), un groupement d’assureurs conçu pour les réassurer contre les risques d’attentats. Reste donc que l’intervention de l’État est très attendue et qu’il reste nombre de sujets à arbitrer afin de délimiter les contours de la future assurance pandémie.